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Monographies - Les villas aristocratiques

 

LeChâteau Malet ou Château de l’Ermitage

 

Sir Edward Malet, ambassadeur d’Angleterre à Berlin, déjà propriétaire en 1880 du domaine de Saint-Laurent à Eze, acquiert à Cap-d’Ail, vers 1892, une parcelle de treize hectares située dans le quartier est pour y construire une villa. Le projet est confié à l’architecte danois Hans-Georg Tersling, célèbre pour la réalisation du Métropole-Hôtel à Monaco (1888) ainsi que celle du Grand-Hôtel et de quelques villas prestigieuses au Cap-Martin (1891-1895).

Château de l’Ermitage. Décor moulé et sculpté autour des baies de la salle de bal.

 

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la villa, bombardée accidentellement, est partiellement détruite. Seule la moitié nord du corps central est épargnée.

En 1961, l’architecte niçois Secondo Buzzi réalise le projet d’une seconde villa, indépendante, mitoyenne et perpendiculaire au vestige du corps de bâtiment ancien, qu’il remanie extérieurement presque en totalité pour lui donner l’aspect d’une aile achevée. La façade nord, en grande partie détruite, et la façade sud, avec une partie effondrée du corps de bâtiment, ont été réinventées et simplifiées pour être harmonisées avec la façade ajoutée. Dans le même temps, l’architecte anglais Russel Page est chargé du réaménagement du jardin.

Au cours de l’année 2000, une campagne de restauration a été réalisée pour restituer les décors muraux et le plafond peint de la salle de bal.

 

L’architecture

Château de l’Ermitage. Vue partielle de la façade sud. Carte postale, vers 1900. coll. particulière.

Le Château de l’Ermitage, inspiré des palais baroques germaniques, avait, à l’origine, un volume régulier en U, sur trois niveaux dont un sous-sol, surmonté d’une tour coiffée d’un belvédère, à l’italienne, composé d’un dôme et de colonnettes. Les façades, ordonnancées, étaient axées au sud sur un portique semi-circulaire, composé de colonnes jumelées, et au nord sur un porche à voitures placé dans une exèdre. Leur décor était constitué de pilastres, de niches avec statues et de frontons cintrés, traités dans un style Louis XV. L’entablement, formé d’une épaisse corniche à modillons, était couronné d’une balustrade sommée de statues allégoriques des Vices et des Vertus qui, selon les dires d’un visiteur du début du XXe siècle, provenaient du palais Canossa à Vérone.

 

Le rez-de-chaussée, conforme à la tradition classique, était entièrement consacré à la réception. Plusieurs salons, en partie meublés d’éléments décoratifs anciens achetés chez des antiquaires puis remontés : boiseries issus du théâtre Royal de Paris (détruit en 1820), cheminée en marbre gris originaire du palais Canossa à Vérone, étaient disposées autour d’une vaste pièce qui occupait toute la partie nord du corps central. Desservie directement depuis l’extérieur par le porche à voitures, elle pouvait, selon les occasions, servir de vestibule ou de salle de bal.

Château de l’Ermitage. La salle de bal depuis l’ouest.

La salle de bal à l’italienne, de plan rectangulaire, couvre une surface d’environ cent soixante mètres carrés pour une hauteur de près de quinze mètres.

Château de l’Ermitage. Escalier d’honneur donnant accès une galerie.

 

Une tribune pour musiciens bordée d’une balustrade, dont l’accès d’origine reste encore à déterminer, est aménagée du côté est, au-dessus d’une galerie en rez-de-chaussée. Des portes-fenêtres en plein-cintre, situées principalement à l’étage, au nord, à l’ouest et à l’est, permettaient d’éclairer initialement ce vaste volume.

La plupart des arcs et des baies, bien que copiés sur les modèles d’origine, ont été ajoutés lors du remaniement de l’édifice, en 1961, pour unifier le volume intérieur et accroître sa luminosité. De même, les oculus situés dans les lunettes sont une création récente.

Le décor mural constitué de pilastres, de colonnes engagées ou jumelées, avec chapiteaux, de panneaux et d’agrafes en stuc, rehaussés de dorures, a probablement été complété en 1961 lors du remaniement de l’enveloppe architecturale. Des miroirs disposés aux extrémités de la salle permettent d’agrandir l’espace.

Le décor de la salle de bal

Château de l’Ermitage. Le plafond peint de la salle de bal.

La peinture du plafond, contemporaine de la salle de bal, aurait été exécutée par Florence, artiste de Menton, sur lequel nous avons peu de renseignements.

Château de l’Ermitage. Cape en relief sur le plafond de la salle de bal.

Le panneau central est inspiré du plafond de la salle des Empereurs de la résidence de Würzburg, œuvre de Tiepolo, pour le contour chantourné du cadre, la composition par groupes de personnages et le relief du drapé.

 

L’iconographie du compartiment central, en relation avec la fonction festive du lieu, a pour thème les heures de la nuit chassant celles du jour. Au cœur de la composition, dans un halo de lumière, est représenté le char de Phoebus accompagné des douze heures du jour. Il est précédé par l’Aurore qui répand des fleurs dans les brumes roses du matin et suivi par le Crépuscule, vêtu d’un drapé pourpre. Plus bas, dans la pénombre, apparaît Diane suivie des douze heures de la nuit. Pour renforcer l’illusion, le drapé de l’allégorie du Crépuscule déborde du cadre et se poursuit en haut relief à l’extérieur de la composition. Tout autour, entre les lunettes, sont figurés les douze signes du zodiaque présentés par des putti.

Du côté ouest, en pendant de la tribune pour musiciens, subsiste l’escalier monumental qui donnait jadis accès aux appartements aménagés dans la partie sud du corps central, par l’intermédiaire d’une galerie ouverte, bordée d’un remarquable garde-corps en fer forgé, composé de motifs classiques déjà influencés par l’Art Nouveau.

Le jardin

Château de l’Ermitage. Le jardin agrémenté d’une cascade surplombant la piscine.

Le jardin, dont le nom du créateur n’est pas connu, comprend au nord-ouest, une partie en terrasse destinée aux cultures, au sud-est, un parc paysager planté d’essences locales et exotiques et un jardin d’agrément autour de la villa, avec, du côté ouest, une cascade artificielle constituée de vrais et faux rochers, se déversant dans un bassin.

En partie basse de la propriété, tout près du mur de clôture, est construit un belvédère en forme de pavillon avec deux colonnes torses en terre cuite. L’entrée, au sud, est soulignée par un portail monumental en demi-lune, encadré par deux conciergeries, axé sur un escalier symétrique. De là, s’étend une avenue sinueuse jusqu’aux limites nord de la propriété, en desservant au passage la villa puis, un peu plus haut, une remise avec pigeonnier, en retrait du côté est.

L’intervention de Russel Page, en 1961, porte essentiellement sur le réaménagement du jardin d’agrément. Une pelouse, ponctuée de gros massifs de cycas soulignés de parterres de pélargoniums roses, est créée dans le prolongement de la nouvelle villa. Pour cette composition, Page dit s’être inspiré des jardins japonais. Une piscine en forme de haricot, alimentée à partir de l’ancien bassin au moyen d’un pas, est construite à l’ouest, en contrebas de la cascade. La composition est enrichie par une sculpture en bronze, représentant une jeune fille en train de se mirer dans l’eau, assise délicatement sur la margelle.

Château de l’Ermitage. Mare située dans le parc, au nord de la villa.

Tout près, Page construit un bassin en rocaille orné de nénuphars et, dans la partie sud, un petit étang avec une île artificielle accessible par un pont japonais. Le jardin d’agrément est prolongé à l’ouest par une terrasse-promenade bordée d’un mur ajouré, en éléments de terre cuite, surmonté des statues qui couronnaient jadis l’ancienne villa.

Dans la partie nord, ouest et sud du parc paysager, sont créées plusieurs mares artificielles.

 

 

 

Cap-d'Ail : Architectures de Villégiature