
les Fortifications de l'Empire à la 2ème guerre mondiale
Napoléon inclut les îles dans le vaste programme de réorganisation lié au blocus continental. Les forts les moins endommagés sont réparés et améliorés. Mais, faute de temps et de moyens, beaucoup de travaux sont inachevés à la chute de l'Empire.
C'est sous la menace d'un nouveau conflit qu'en 1841 la Monarchie de Juillet crée une commission chargée de repenser complètement le problème. Sous l'égide du maréchal Soult, ministre de la Guerre, elle réexamine tous les sites, uniformise les trois modèles de pièces d'artillerie et normalise six plans types de corps de garde défensifs adoptés en 1846 pour servir de réduits dans les ouvrages isolés. Plusieurs batteries de ce type sont aménagées : Bon Renaud, Lequin, Galéasson, Bagaud nord, Bagaud sud et Bagaud est, Grand Ribeau. Celle des Mèdes est dotée d'une caserne casematée.
A partir de 1858, le programme, devenu désuet avec l'apparition de l'artillerie rayée et des cuirassés à vapeur, est interrompu.
Après 1870, une nouvelle commission, sous l'égide du général Séré de Rivières, reprend le problème : on construit de nouvelles batteries, le fort de l'Eminence est réaménagé en 1875 et érigé en véritable citadelle.
En 1914, les organisations ont vieilli. Désarmées, les îles deviennent les points d'amarrage du système de protection anti sous-marine de la rade. Après la guerre, un nouveau programme de batteries est élaboré avec notamment la construction de la nouvelle batterie haute des Mèdes.
Occupés par les Allemands en 1942, ces ouvrages subissent en août 1944 le tir des cuirassés Lorraine et Ramillies qui appuient le débarquement allié en Provence.
Avec l'enlèvement des derniers matériels après 1945 se termine la vie active des forts des îles d'Hyères : l'ère du patrimoine commence.
9) Fort de l'Eminence
Ile de Port-Cros
Quarante mètres au-dessus de l'Estissac et 300 m au sud-est, le fort de l'Eminence, comme son nom l'indique, occupe le sommet de l'arête encadrant, au nord, le vallon du port. De là, on découvre l'essentiel de l'intérieur de l'île.
Construit entre 1635 et 1640, selon le schéma usuel des forts "de Richelieu", il se composait d'une enceinte polygonale en losange enfermant, au centre, une grosse tour à canons de 16 m de diamètre avec rez-de-chaussée voûté aveugle, batterie à 4 canons au premier étage et parapet d'infanterie autour de la terrasse. En 1793, les Anglais éventrent la tour, comme à l'Estissac.
L'ouvrage était réparable mais, sous l'Empire, on préféra le raser complètement pour construire un ouvrage casematé beaucoup plus vaste, susceptible d'être la citadelle de l'île.
Les travaux, abandonnés en 1815, ne furent repris que vers 1850 et aboutissent en 1875 à un vaste fort pentagonal, bastionné, à crête unique, avec caserne casematée à huit travées, magasin à poudre, et batteries barbettes disposées sur les cavaliers de courtine des principaux fronts. Vers 1880, on installera, sur le front ouest, 2 grosses pièces de 24 cm sur affût à pivot central, orientées vers la grande passe.
Avec ses dimensions imposantes (165 x 100 m) ses hautes escarpes brunes bien appareillées tombant dans les fossés, c'est, de loin, l'ouvrage le plus important des îles et la véritable citadelle de Port-Cros, encore marqué par les bombardements subis en août 1944, lors du débarquement allié : une des casemates-logements est éventrée et de nombreux impacts constellent les murailles.
10) Batterie du Bon Renaud
Ile de Porquerolles
Sur la pointe du même nom, sur la côte nord de l'île, la batterie a été projetée en 1796, mais construite après 1810 seulement, pour 12 canons et 6 mortiers, chargés de défendre la rade de Porquerolles et d'interdire l'accès du petit port. Elle fut complètement réorganisée vers 1847, la ligne des pièces remodelée, les bâtiments rasés et remplacés par un corps de garde défensif type 1846 n° 2, à titre de réduit pour 30 hommes. La batterie était alors prévue pour 3 canons de 30, 2 obusiers de 22 cm et un mortier de 32 cm.
Elle est maintenue en service avec 2 canons de 30 rayés et un mortier jusqu'à l'entrée en service des batteries modernes de Repentance et de la Badine, vers 1884. Elle est ensuite désarmée et déclassée.
11) Batterie basse des Mèdes
Ile de Porquerolles
L'extrémité est de Porquerolles constituée par l'impressionnante arête rocheuse du cap des Mèdes n'a été organisée défensivement qu'à partir de 1794, après la désastreuse occupation anglaise.
En 1811, sur un replat ménagé artificiellement par déroctage au pied de la face nord-ouest de l'arête du cap - et donc complètement masquée aux vues et aux coups de la grande passe - on crée une batterie, constituée par un long épaulement faisant face au nord-ouest et se terminant par une plate-forme convexe enveloppant la pointe.
La Commission de 1841 prescrit la réorganisation de l'ouvrage pour 10 pièces de canon et 2 mortiers : on y construit, comme réduit, une curieuse caserne à l'épreuve, non défensive, à deux étages, dont un sous-sol utilisé comme magasin.
L'ouvrage est fermé à l'arrière par un mur d'enceinte crénelé, percé d'un portail flanqué d'un bastionnet, et qui s'élève sur la pente du rocher pour se refermer sur une portion inabordable de la falaise. Malgré des terrassements intempestifs, l'ouvrage est complet et dans un site admirable.
12) Batterie haute des Mèdes
Ile de Porquerolles
Sur l'arête supérieure, construite entre 1930 et 1932, elle est constituée de quatre cuves en béton armé abritant chacune un canon de 164 mm de bord, modèle 1893-96, sur affût de côte, portant à près de 20 000 m. Les cuves sont reliées par des tranchées creusées dans le roc, masquées par un curieux camouflage de rocaille et abritant une petite voie ferrée pour le transport des munitions. Celles-ci, stockées dans un vaste magasin sous roc, étaient livrées à la troisième cuve par un monte-charge vertical protégé, pour être acheminées vers les autres cuves. A la pointe nord-est subsiste le curieux poste directeur de tir. Outre les très belles vues lointaines qu'il offre sur la rade, cet ouvrage est un excellent exemple des ouvrages de côte contemporains de la ligne Maginot.
13) Batterie de Galeasson
Ile de Porquerolles
Créée en 1811 sur un replat du versant ouest de la crête orientale de l'île, au pied de la batterie haute des Mèdes. Réorganisée par la Commission de 1841, sa plate-forme est agrandie et aménagée pour 3 canons de 30, 3 obusiers de 22 cm et un mortier de 32 cm. On la dote, comme réduit, d'une tour crénelée modèle 1846, seule de ce type sur l'île. Restée armée à titre provisoire jusqu'en 1884, elle est ensuite mise en sommeil, puis réactivée vers 1930 et dotée de 2 canons de 75 éclairants, destinés à permettre le tir de nuit des pièces de la batterie haute des Mèdes.
Le réduit est alors utilisé comme casernement et le parapet supérieur est démoli pour diminuer son relief et donc sa visibilité depuis le large. Bien que privé depuis longtemps de sa raison d'être initiale, l'ouvrage a gardé tout son intérêt, dans le cadre grandiose des falaises de la côte est de l'île.
14) Batteries de Bagaud
Ile de Bagaud
Ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'on commença à envisager la fortification de ce plateau rocheux inhabité couvrant le petit port de Port-Cros à un peu plus d'un kilomètre à l'ouest. Un projet de redoute est élaboré en 1748 mais non réalisé.
Ce n'est qu'en 1794 qu'on y établit quatre batteries (nord, centre, sud et est) orientées au nord-ouest et à l'ouest, vers la grande passe, pour défendre le port de Port-Cros. Ces batteries sont améliorées à partir de 1811 puis désarmées à la fin de l'Empire en 1815.
Après un quart de siècle d'abandon, la Commission mixte de 1841 reprend l'étude du site : après plusieurs revirements et projets contradictoires, ce seront finalement trois des quatre batteries antérieures (nord, sud et est) qui seront entièrement réorganisées entre 1855 et 1860 et dotées de réduits défensifs. A peine achevées, elles sont surclassées par l'apparition de l'artillerie rayée et des nouveaux bâtiments cuirassés à vapeur : un armement y sera maintenu provisoirement jusqu'à l'entrée en service, vers 1884, des grosses pièces du fort de l'Eminence.
La batterie sud comporte un corps de garde défensif type 1846 n° 2, en assez bon état, les batteries nord et sud, chacune une tour crénelée type 1846 n° 2, de belle facture mais dégradée. La batterie du centre, abandonnée, laisse encore voir les vestiges de ses bâtiments.
L'accès de l'île étant aujourd'hui interdit, une végétation inextricable a envahi tout le plateau, les sites des batteries sont à peu près inaccessibles et les réduits défensifs, pourtant remarquables, se dégradent irrémédiablement.
Îles d'Hyères : Forts, tours, batteries