Les Fortifications de François 1er à la révolution


 

Dès le Moyen Age, les îles ont été soumises, du fait de leur isolement, à la menace chronique des descentes des pirates barbaresques et autres, comme la Corse, la Sardaigne, Malte et toute la côte nord de la Méditerranée. Aussi est-ce sans doute pour protéger les populations que furent édifiés à Porquerolles le "Château" ou fort Sainte-Agathe et à Port-Cros le fort du Moulin, attribués à François 1er. 

Les choses restent en l'état jusqu'aux années 1630. C'est entre 1634 et 1643 qu'ont été construits, à l'instigation de Richelieu, les sept forts des îles : Petit et Grand Langoustier, l'Etoile (disparu), l'Alycastre,l'Estissacl'Eminence et Port-Man. Ils sont représentés, ainsi que le fort Sainte-Agathe et le fort du Moulin, sur l'atlas dit de Louis XIII, conservé à la bibliothèque du dépôt des fortifications (Archives du génie, Vincennes), concrétisant la promotion stratégique de la rade d'Hyères. 

A ces forts s'ajoute la redoute du Pradeau, dite Tour Fondue, édifiée à la même époque au bout de la presqu'île de Giens. 

Après les guerres du XVIIIe siècle (invasion de la Provence de 1707, guerres de succession d'Autriche en 1741-1748 et de Sept ans entre 1756 et 1763), les îles sont occupées par les Anglais en 1793. A leur départ, ceux-ci incendient ou font sauter les forts. Avec l'Empire s'ouvre une deuxième période de construction sur les îles


1) La Tour Fondue  
Presqu'île de Giens   

Elle couronne un rocher, qui fait saillie sur le littoral, pour permettre aux canons destinés à battre la passe vers le Grand Ribaud de gagner un peu de portée et de hauteur. Vraisemblablement construit vers 1634, ce petit ouvrage polygonal a été remanié au XVIIe et au XIXe siècle et doté d'un petit casernement et d'un magasin à poudre. En 1881, il était encore armé de 2 canons de 30 rayés. Il a été déclassé peu après.
  
2) Le Petit Langoustier  
Couronnant un îlot rocheux un peu au nord du Grand Langoustier, le fort est constitué par une grosse tour à canons, avec batterie à ciel ouvert au premier étage, entourée d'une enceinte crénelée renfermant quelques petits bâtiments et une citerne. Ses canons avaient pour mission de tenir la petite passe, en croisant leur tir avec ceux du Grand Ribaud. L'ouvrage a été en partie défiguré par des aménagements assez récents (1914-1940).

3) Presqu'île du Grand Langoustier 
Il s'agit d'un îlot rocheux relié à la pointe ouest de l'île de Porquerolles par un court cordon de sable à ras des flots. Commandant l'entrée de la petite passe, il avait une importance tactique toute particulière. Aussi avait-il été organisé en véritable centre de résistance avant la lettre : au sommet de l'îlot (22 m), la tour pyramidale à base carrée du fort du Grand Langoustier, entourée d'une enceinte tenaillée crénelée avec fossé creusé dans le roc, constituait le réduit du dispositif. La tour, avec sa curieuse silhouette de monument maya, renferme une voûte en berceau portant la terrasse supérieure conçue comme batterie. Au deux tiers de la hauteur, la tour est ceinturée d'un chemin de ronde constituant la crête d'infanterie. L'intérieur, réaménagé sous l'Empire, comporte au rez-de-chaussée une citerne et un magasin à poudre, avec couloir d'accès direct percé après coup. Au premier étage se trouvaient le logement et l'escalier à vis menant à la terrasse, avec l'entrée initiale desservie par un escalier extérieur. Sur le versant nord-est de l'arête dorsale, et donc invisible du large, le fort de l'Etoile avec son enceinte tenaillée renfermant une tour, une citerne et des baraques, constituait un camp retranché, au sens étymologique du terme, pour des troupes de défense mobile. L'isthme lui-même était barré, face à Porquerolles, par un retranchement, dit de Port Fer, aujourd'hui disparu.   

4) Fort Sainte-Agathe dit Château de Porquerolles 
Au sommet d'une butte dominant le petit bourg et le port, l'édifice occupe la place conventionnelle d'un ouvrage de protection. De la terrasse de la tour, on dispose d'excellentes vues aussi bien sur la baie de Porquerolles et la rade d'Hyères, que sur l'intérieur de l'île. La construction initiale, généralement attribuée à François Ier, vers 1531, comportait une grosse tour ronde à canon de 20 m de diamètre et 13 m de haut, fondée sur un massif rocheux escarpé à la main. Cette tour, cousine de celles, contemporaines, du Mont-Saint-Michel ou de Langres, fait l'angle d'une enceinte fermée dessinant grosso modo un trapèze rectangle, et à l'intérieur de laquelle divers bâtiments sont venus s'adosser aux murs, autour d'une cour centrale.

 

5) Fort de l'Alycastre  
Ile de Porquerolles  

Avec le Grand Langoustier, le fort de l'Alycastre est le deuxième fort à tour carrée des ouvrages construits sous l'autorité de Richelieu, entre 1634 et 1640.  Ce choix s'explique par l'implantation, dans chacune des faces ouest et est, de deux embrasures à canon pour battre les plages de débarquement toutes proches.  

En bord de mer, l'ouvrage consistait en une tour à base pyramidale carrée de 16 m de côté, avec un rez-de-chaussée voûté aveugle, portant, au premier étage,  une batterie à air libre surmontée d'un parapet d'infanterie crénelé. L'entrée - comme dans les tours de cette génération et comme celles de Corse - se faisait  au nord, du côté de la mer, à l'étage, au bout d'une volée d'escalier extérieure menant à une poterne défendue par une bretèche(disparue), ceci pour échapper aux vues des hauteurs voisines de Repentance.

La tour est au centre d'une enceinte tenaillée et crénelée dessinant une étoile à huit branches, avec portail d'entrée à pont-levis au sud-est, couvert par un tambour défensif crénelé. Selon une disposition habituelle, la tour renferme, au rez-de-chaussée, une citerne, une poudrière et divers magasins, et, au premier étage, les logements, avec cheminée et four à pain. 

6) Le château, dit Fort du Moulin  
Ile de Port-Cros 

Probablement construit sous François Ier ou Henri II, sur la pointe du Moulin, juste au-dessus de l'entrée du port, près d'un moulin à vent auquel il doit son nom. Remanié, semble-t-il, sous Louis XIII, il se présente, à la fin du XVIIIe siècle sous la forme d'un bâtiment parallélépipédique protégé, à l'avant, par un gros mur de masque courbe et flanqué, à l'arrière, par deux tours. Le tout est entouré par une fausse-braie, dont la gorge est bastionnée.  

En 1793, les Anglais le font sauter en partie, et la reconstruction entreprise sous l'Empire, interrompue ensuite pendant 25 ans, ne s'achèvera que vers 1850. 

Après plusieurs projets, la Commission mixte de 1841 y a fait aménager, sur un replat, au pied du front ouest une batterie de côte pour 3 canons de 30, 3 obusiers de 22 cm et un mortier. Le bâtiment central - l'ancien château - ne sera rétabli que sous la forme de trois petits bâtiments déployés autour d'une cour. L'ouvrage nous est parvenu donc tel que l'ont formé les travaux du milieu du XIXe siècle, avec intégration d'éléments antérieurs récupérés et de constructions nouvelles. Sous la face nord de la fausse-braie, on trouve des casemates.

7) Fort de l'Estissac  
IIe de Port-Cros  

En 1793, les Anglais font sauter la tour, dont la moitié est s'effondre. Après la reprise, on déblaie et on réarme l'ouvrage dans des conditions précaires. Un peu plus tard, plus à loisir, entre 1810 et 1815, on reconstruit la partie manquante de la tour, mais sur un plan carré. Le parapet de la courtine est de l'enceinte est abaissé et épaissi pour constituer une batterie tirant sur l'anse de la Palud. Enfin, un ravelin est construit pour couvrir l'entrée.

Le fort de l'Estissac, construit entre 1634 et 1640, est tout à fait conforme aux dispositions générales des forts "de Richelieu" rencontrés à Porquerolles. 

Une enceinte ou fausse-braie, mi-tenaillée mi-bastionnée, dessinant, grosso modo, une étoile à cinq branches avec fossé général creusé dans le roc renfermait, à l'origine, au centre, une grosse tour à canon à deux niveaux voûtés en coupole, avec batterie à 4 canons au premier étage surmontée d'un parapet d'infanterie.

8) Fort de Port-Man  
Ile de Port-Cros  
  

Cette tour est reliée au sud-ouest par une double caponnière crénelée, renfermant le casernement, à un front tenaillé surélevé, tourné vers l'intérieur de l'île, et destiné à résister à une attaque terrestre à revers. Saccagé par les Anglais en 1793, l'ouvrage a été réparé ensuite, la batterie de la tour voûtée et surmontée d'une terrasse à canons. 

Le plus oriental de l'île, destiné à surveiller et à battre la passe des Grottes, qui sépare Port-Cros de l'Ile du Levant. Son plan a été imposé par la forme de l'arête rocheuse étroite sur laquelle il est implanté : à l'extrémité nord-est de la pointe se dresse une tour ronde avec premier niveau voûté aveugle surmonté, à l'origine, de l'habituelle batterie à canons à ciel ouvert portant un parapet d'infanterie périphérique.


 9) Fort de l'Eminence  
Ile de Port-Cros 

Quarante mètres au-dessus de l'Estissac et 300 m au sud-est, le fort de l'Eminence, comme son nom l'indique, occupe le sommet de l'arête encadrant, au nord, le vallon du port. De là, on découvre l'essentiel de l'intérieur de l'île. 

Construit entre 1635 et 1640, selon le schéma usuel des forts "de Richelieu", il se composait d'une enceinte polygonale en losange enfermant, au centre, une grosse tour à canons de 16 m de diamètre avec rez-de-chaussée voûté aveugle,batterie à 4 canons au premier étage et parapet d'infanterie autour de la terrasse. En 1793, les Anglais éventrent la tour, comme à l'Estissac.

L'ouvrage était réparable mais, sous l'Empire, on préféra le raser complètement pour construire un ouvrage casematé beaucoup plus vaste, susceptible d'être la citadelle de l'île. 

Les travaux, abandonnés en 1815, ne furent repris que vers 1850 et aboutissent en 1875 à un vaste fort pentagonal, bastionné, à crête unique, avec caserne casematée à huit travées, magasin à poudre, et batteries barbettes disposées sur les cavaliers de courtine des principaux fronts. Vers 1880, on installera, sur le front ouest, 2 grosses pièces de 24 cm sur affût à pivot central, orientées vers la grande passe. 

Avec ses dimensions imposantes (165 x 100 m) ses hautes escarpes brunes bien appareillées tombant dans les fossés, c'est, de loin, l'ouvrage le plus important des îles et la véritable citadelle de Port-Cros, encore marqué par les bombardements subis en août 1944, lors du débarquement allié : une des casemates-logements est éventrée et de nombreux impacts constellent les murailles.

 

 

 

Îles d'Hyères : Forts, tours, batteries